Santé mentale des communautés noires au Canada : Surmonter les obstacles, combler les lacunes

Selon le recensement général de la population de 2016, les communautés noires représentent 1,2 million de personnes au Canada (Maheux & Do, 2019). Ces communautés font face à un ensemble d’inégalités sociales et économiques et des enjeux raciaux pouvant affecter leur bien-être et leur santé mentale (Abdillahi & Shaw, 2020). Les iniquités systémiques vécues par les personnes noires entourent des conditions de vie difficiles, incluant celles concernant le logement, l’emploi (chômage, sous-emploi, insécurité d’emploi), le revenu, l’insécurité alimentaire, l’éducation et l’accès aux soins de santé (Do et al., 2020; Randle et al., 2021). De plus, les personnes noires font face à des taux élevés de différentes formes de discrimination raciale (p. ex. profilage, microagressions), d’exclusion sociale, d’adversités précoces, d’événements traumatiques, ainsi que des expériences migratoires difficiles et des traumas intergénérationnels (Cénat, Hajizadeh, et al., 2021; Godley, 2018). Une récente étude auprès des personnes noires de 15 à 40 ans a montré que plus de 60% des personnes noires ont vécu différentes formes de discrimination raciale sur une base mensuelle  (Cénat, Hajizadeh, et al., 2021). Ces facteurs, qui interagissent et se cumulent, entravent la santé mentale des communautés noires (Cénat, Kogan, et al., 2021; Cénat, Hajizadeh, et al., 2021). Les évidences issues de l’Enquête sur la santé mentale des communautés noires au Canada (BCoMHeal) ont montré que les personnes noires ayant vécu le plus haut niveau de discrimination raciale quotidienne sont 36 fois plus susceptibles de présenter des symptômes sévères de dépression (Cénat, Kogan, et al., 2021). Ceux et celles ayant vécu différentes formes de discrimination raciale sont aussi plus susceptibles de vivre des symptômes sévères d’anxiété, de trouble de stress post-traumatique, d’idéations et de comportements suicidaires, de faible estime de soi, de faible qualité de vie et de consommation abusive d’alcool et de drogues. Ces résultats corroborent ceux d’autres études réalisées depuis plusieurs décennies maintenant au Canada et aux États-Unis ayant montré que la discrimination raciale influe négativement sur la santé mentale et physique des personnes noires, ainsi que d’autres personnes racisées (Levine et al., 2014; Lo et al., 2012; R. J. Taylor et al., 2019; Williams & Williams-Morris, 2000).

Les événements tragiques des dernières années telles que la mort de Georges Floyd, le mouvement la Vie des Noir.e.s compte (Black Lives Matter) et les disparités liés à la pandémie de la COVID-19 n’ont fait que mettre en évidence les inégalités et les expériences discriminatoires subies depuis longtemps par les personnes noires et racisées (Miconi et al., 2021). Ces enjeux ont amené à la communauté scientifique à s’intéresser aux façons dont les iniquités sociales et raciales se manifestent et nuisent à la santé mentale des communautés noires (Abdillahi & Shaw, 2020; Giwa et al., 2020; Miconi et al., 2021).  En ce qui concerne les services de santé mentale au Canada, ils sont majoritairement organisés selon une approche aveugle aux enjeux raciaux (color-blind approach) lorsqu’il s’agit d’évaluer l’accessibilité et la qualité des services. Il en résulte une faible sensibilisation, documentation et compréhension des facteurs culturels et raciaux qui affectent l'accès, la prestation et l'efficacité des services de santé mentale (Fante-Coleman & Jackson-Best, 2020). Pire encore, les études ont montré qu’une majorité de personnes issues des communautés noires et d’autres communautés racisées ont déclaré avoir été victimes de discrimination raciale dans les services de santé et les hôpitaux (Cénat, Hajizadeh, et al., 2021). Par exemple, les résultats de l’enquête BCoMHeal ont révélé que plus de 53% des personnes noires ont rapporté avoir été victimes de discrimination raciale majeure dans les services de santé (Cénat, Hajizadeh, et al., 2021). Ces résultats confirment ceux d’autres études canadiennes et américaines réalisées auprès de personnes noires ayant reçu des soins pour le cancer, l’hypertension artérielle, le diabète, le VIH, la psychose, la santé maternelle mais aussi pour dans les soins de santé mentale (Gagné & Veenstra, 2017; Nelson et al., 2019; Stern et al., 2021; D. Taylor & Richards, 2019; Veenstra, 2012). Ces expériences de discrimination dans les services de santé et des déterminants sociaux cités plus haut et une formation culturellement inadaptée des professionnels de santé mentale associée à des soins culturellement inadaptés entrainent une sous-utilisation des services de santé mentale par les personnes issues des communautés noires (Cénat, 2022; Cénat, 2020; Fante-Coleman & Jackson-Best, 2020).

Compte tenu des défis permanents décrits ci-dessus, nous organisons un colloque sur la santé mentale des personnes issues des communautés noires au Canada, du 26 au 28 octobre 2022, afin de donner l'occasion aux chercheurs, aux praticiens, aux organismes et aux dirigeants communautaires, aux gestionnaires de soins de santé et aux personnes ayant une expérience vécue de se réunir pour partager leurs connaissances, leurs expériences, les innovations développées dans les approches d’évaluation et d’intervention et leur savoir-faire dans le but d’éliminer les obstacles et de combler les lacunes observés dans les soins de santé mentale pour les personnes noires du Canada.

Les trois grands thèmes de la conférence sont les suivants:

1. Les déterminants sociaux et les enjeux raciaux affectant la santé mentale et le bien-être des personnes noires au Canada et ailleurs en Occident.

2. Promotion de la santé mentale et prévention des maladies mentales dans les communautés noires et racialisées au Canada

3. Innovations et interventions en santé mentale adaptées à la culture et aux enjeux raciaux pour les personnes noires au Canada.

*Cette conférence est ouverte à tout le monde (chercheurs, praticiens, organismes et leaders communautaires, population générale....)*